C’est une sensation immédiate de propre, de confort, de douceur presque maternelle, voire maternante. Lorsqu’il entre, en 1962, dans les foyers français, Soupline (bientôt si familier qu’on dira « la Soupline ») introduit une dimension sensorielle et émotionnelle à la corvée de lavage alors dévolue aux femmes. Apparu à un moment où la publicité explose, le produit est popularisé par deux slogans qui vont marquer les esprits : « Soupline, et le monde est plus doux » et « Ce qu’il y a de plus doux après une maman ». La figure du bébé comme emblème de la marque a aussi fait beaucoup pour son succès, ainsi qu’Une chanson douce, d’Henri Salvador, en support sonore. Le message est clair : si l’assouplissant est assez doux pour les bébés, alors il sera une bénédiction pour toute la famille.
Pour illustrer cette idée de moelleux et de pureté, le concurrent Cajoline a préféré l’ours en peluche qui rebondit sur une pile de serviettes. Côté technique, c’est une petite révolution : l’adoucissant enrobe les fibres textiles d’un film lubrifiant qui atténue leur rugosité et l’irritation sur la peau, en réduisant leurs charges électrostatiques.
Encore fallait-il inventer une odeur qui traduise fidèlement cet effet-là. La parfumeuse Shyamala Maisondieu (Givaudan) la décrit comme « une senteur fraîche et légère qui mélange notes de pomme et de citron vert aux fleurs blanches, à la vanille, à la fleur d’oranger et aux muscs ». Résumé en une image : la brise matinale qui gonfle les draps étendus sur la corde à linge au fond du jardin.
Comme un héritage
Cette note, à laquelle les parfumeurs ont donné le nom de mother’s love, a conquis le monde entier. « J’ai grandi en Malaisie, où les écoliers portaient des uniformes. Ma mère amidonnait le col de mes chemises qui me grattait… Soupline rendait ce moment scolaire plus doux. Je percevais cela comme un geste de soin et de tendresse », poursuit le Shyamala Maisondieu.
A l’école de parfumerie, lorsqu’il faut mémoriser les matières premières, la jeune femme associe les aldéhydes, les molécules responsables de cette sensation de propreté, au souvenir de Soupline. « En tant que parfumeuse, je suis restée très sensible à cette odeur confortable qui a finalement inventé une autre forme d’addiction par la propreté, alternative aux notes sucrées et gourmandes qui ont tout envahi », ajoute la parfumeuse. Elle s’en est d’ailleurs inspirée pour cocréer Idôle, de Lancôme, avec ses consœurs Nadège Le Garlantezec et Adriana Medina-Baez.
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