Cela a commencé par des débats houleux pour se terminer par une suspension de séance surprise. L’examen du projet de loi transformant le passe sanitaire en passe vaccinal a été interrompu par les députés lundi 3 janvier au soir, après qu’une majorité d’élus ont voté à main levée contre la poursuite des débats après minuit.
Il reviendra, mardi matin, à la conférence des présidents de groupes parlementaires du Palais-Bourbon d’inscrire la suite de l’examen du texte à l’agenda de l’Assemblée nationale mais ce coup de théâtre va faire dérailler le calendrier d’adoption définitif du texte par le Parlement.
Cette décision rarissime a provoqué la joie bruyante des députés de l’opposition, en particulier sur les bancs des Républicains (LR) tandis que la majorité interpellait la présidente de la séance, Annie Genevard, à l’image du ministre de la santé, Olivier Véran. Ce dernier avait sollicité l’accord de l’Hémicycle pour poursuivre les débats après l’heure normale de clôture de l’Assemblée prévue à minuit. « On a la nuit devant nous », avait-il préalablement ironisé.
« Un camouflet pour le gouvernement »
Jusqu’ici, les débats autour du projet de loi transformant le passe sanitaire en passe vaccinal, avançaient à pas comptés en raison de l’hostilité de députés de plusieurs groupes politiques.
« On échappe à la nuit blanche. #Véran reçoit une correction », a tweeté le chef de file de La France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon. « C’est un camouflet pour le gouvernement. Le gouvernement nous disait qu’il fallait marcher ou mourir (…) Là le gouvernement se retrouve embourbé (…) et lâché par une partie de sa majorité », a jugé le député LR Julien Aubert.

« On a vu des oppositions qui, sur force plateaux TV et tweets, nous disent qu’elles sont favorables au passe vaccinal et soutiennent ce projet de loi et qui dans l’hémicycle, ont fait complètement l’inverse, ont joué l’obstruction et ont voté de façon massive pour que les débats cessent », a dénoncé la présidente LRM de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet. Dans le viseur de la majorité : l’attitude des LR accusés de soutenir publiquement le passe vaccinal mais d’avoir soumis le texte dans l’hémicycle à une flopée de critiques et de votes négatifs.
« Malheureusement, nous qui comptions terminer le texte ce soir pour qu’il puisse être transmis au Sénat et donc s’appliquer le plus rapidement possible (…) cela est contrarié par le jeu des oppositions », a-t-elle poursuivi.
Accroître la pression sur les non vaccinés
Les députés sont les premiers à examiner le projet de loi du gouvernement « renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire », qui vise principalement à remplacer le passe sanitaire par un passe vaccinal, pour toute personne de 12 ans et plus. Un texte « de sang-froid et de responsabilité », a d’abord défendu Olivier Véran, devant un hémicycle agité, alors que la France fait face au « raz de marée » « vertigineux » provoqué par le variant Omicron du coronavirus.
Le projet de loi « répond à la reprise épidémique de manière efficace, graduée. Il fait le choix de la science » et « de la responsabilité », a estimé le ministre de la santé devant les députés. Grâce à ce texte qui prévoit qu’un test négatif ne suffira plus (sauf pour accéder aux établissements et service de santé) dès le 15 janvier pour obtenir un passe sanitaire, le gouvernement souhaite accroître la pression sur les quelque cinq millions de Français non vaccinés contre le Covid-19.
D’ici à mardi, les Français seront « 53 millions à avoir reçu une première injection », a continué d’arguer le ministre de la santé. « Il y a les éloignés » du vaccin et « les indifférents » : « nous arriverons à les convaincre », a-t-il poursuivi, avant d’ajouter : « Et puis il y a ceux pour lesquels aucun registre rationnel ne peut être mobilisé », « leur combat est minuscule ». « Le refus de la vaccination charrie nombre de passions tristes dont notre société est capable », a, enfin, regretté M. Véran.

Pour Jean-Luc Mélenchon, le passe vaccinal est « une raquette trouée »
Sur les bancs de l’Assemblée nationale, le passage au passe vaccinal que prévoit le texte est vivement décrié par une partie de l’opposition, qui a, d’ores et déjà, annoncé qu’elle voterait contre le texte. C’est le cas des députés des groupes LFI, du Parti communiste français (PCF) et du Rassemblement national (RN). « Derrière un discours sur la prétendue liberté se cache trop souvent un égoïsme ou un repli sur soi », leur a répondu M. Véran.
Présentant à la suite une motion de rejet préalable du projet de loi, qui a été rejetée par les députés, Jean-Luc Mélenchon, député LFI et candidat à l’élection présidentielle, a répondu au ministre de la santé, en estimant que ce projet de loi sème « le chaos, la pagaille ». Selon lui, le passe vaccinal est « une raquette trouée » et il est « 100 % inefficace » au vu de la propagation actuelle du virus du Covid-19.
Le député des Bouches-du-Rhône, qui prône la vaccination mais s’est déjà opposé au passe sanitaire, a avancé : « La liberté est la meilleure des protections. » Selon lui, les contrôles d’identité qui pourront être permis par ce texte aux gérants des lieux et des activités soumis au passe vaccinal ouvrent la voie à une « société totalitaire ». En retour, M. Véran a accusé M. Mélenchon de prendre exemple sur « deux bien mauvais présidents de la République », Jair Bolsonaro au Brésil et l’ancien président américain Donald Trump.

Plus de 650 amendements déposés
A priori, le projet de loi n’est pas menacé dans son adoption, puisque le gouvernement dispose d’une majorité suffisante, et qu’il est aussi défendu « par principe » par les députés du Parti socialiste (PS) mais aussi une partie des élus LR qui souhaitent seulement que soit fixée une limitation dans le temps du passe vaccinal. En début de soirée, lundi, tous les amendements de suppression de l’article premier du projet de loi, qui instaure le passe vaccinal, avaient d’ailleurs été largement rejetés par un hémicycle aux bancs bien garnis.
Le texte était censé être examiné au Sénat mercredi et jeudi, après son passage par le Palais-Bourbon et le vote de plus de 650 amendements par les députés, ce qui devait constituer un temps record. Mais la suspension intervenue lundi soir, alors que les débats devaient se tenir jusqu’au petit matin, montre que les tensions autour de son contenu demeurent très vives. Outre les opposants au principe même du passe vaccinal, des députés de tous bords ont regretté que ce dernier doive s’appliquer, tel que prévu dans le texte, aux adolescents de 12 à 17 ans.
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